LE POST (24/10/2008)
N’y allons pas par quatre chemins : avec I LOVE YOU, son nouvel album, Mathieu Boogaerts frappe un grand coup. Avec ce disque tout en punch et en nerfs, qui vous saisit et vous croque avec la sensuelle férocité d’une bête sauvage, l’auteur d’Ondulé ne fait pas seulement voler en éclats cette image de chanteur lunaire qui, depuis trop longtemps, lui colle injustement à la peau. Tournant le dos à son passé, il s’offre surtout un aller sans retour vers un autre monde musical, un autre pays, dont il invente avec une volupté palpable la langue, les lois et les coutumes. Un pays qui, comme aux plus grandes heures du rock, du rap ou du funk, prônerait la révolution permanente.
Le changement est si radical qu’on pourrait le croire motivé par bon gros coup de sang (mais quelle mouche l’a donc piqué ?) ou par une très sévère crise existentielle (mais par quelles affres est-il donc passé pour en arriver là ?). Sauf que c’est tout le contraire : si Boogaerts a ainsi remis en cause tous les acquis d’une carrière entamée il y a près de quinze ans, c’est parce que, pour la première fois, il a connu le sentiment du devoir accompli. "Avec Michel, mon album précédent, j’ai eu l’impression d’avoir bouclé quelque chose. Je n’ai jamais été aussi peu frustré à la fin d’un disque. D’habitude, j’avais l’impression d’avoir raté quelque chose et je me disais que j’allais devoir faire mieux la fois d’après. Là, j’ai eu la sensation que s’il s’arrêtait avec Michel, mon parcours aurait une certaine légitimité. Du coup, j’ai ressenti une liberté que je n’avais jamais éprouvée – ou alors au tout début, avant mon premier disque, quand tout semblait possible."
C’est toute la beauté des fins de cycle : elles vous permettent de goûter à nouveau à la fraîcheur des commencements. Après les chansons de Michel, qui dans leur subtil dépouillement exprimaient la quintessence de son art, Mathieu est donc reparti de zéro. Premier geste fort : exit la guitare sèche, cette compagne fidèle avec laquelle il avait l’habitude de saisir à la volée de belles idées tombées du ciel. Et place à la batterie, un vieux flirt (“Ça a été mon premier instrument, quand j’avais dix ans“) avec lequel il a éprouvé le besoin d’entamer une relation enfin sérieuse.