24 Heures, quotidien suisse romand, consacrait à Mathieu, le 22 septembre dernier, à l'occasion de sa venue à Yverdon, l'article suivant:
UN BALADIN TRANQUILLE
Ex-espoir de la nouvelle scène française, le chanteur de Nogent coule des jours heureux sur le label de qualité Tôt ou Tard.
"A côté du temps qui file, un bolide de F1 aura toujours l'air d'une trottinette", disait, l'autre jour, un type maussade accoudé au comptoir d'un bar anonyme. Sans entrer dans une analyse de texte assommante, on ne saurait lui donner tort... Surtout si on pense à Mathieu Boogaerts. La première fois qu'on a entendu chanter ce jeune gars fragile, c'était en 1996. Une décennie à peine, mais un siècle au moins si l'on prend pour point de repère la dégénérescence rapide de l'industrie musicale.
En février 1996, en effet, un titre comme Ondulé ressemblait encore à un tube potentiel pour toutes les parties concernées par Super, le premier album de Mathieu Boogaerts, un jeune fan de Bob Marley qui ne demandait rien d'autre que de pouvoir passer tranquillement ses journées dans son home-studio de Nogent-sur-Marne. Normal, l'invasion de stars "couinantes" au rabais imposées par la téléréalité et les compagnies de disques "inspirées" relevaient encore de la science-fiction de bas étage, et les 2B3 n'étaient même pas encore peignés. Dès lors, Boogaerts avec ses rengaines paisibles, évoquant aussi bien Chédid que Voulzy à l'heure de la sieste, était l'outsider francophone de la maison Universal. Moins compliqué qu'un Sylvain Vanot, moins "branchouille" que Dominique ou Katerine, le garçon plaisait aux jeunes et aux moins jeunes qui découvraient l'adorable Ondulé au hasard d'une de ses nombreuses diffusions radio.
Las, comme souvent dans ce genre d'affaire, le soufflé retombait assez vite sans d'ailleurs que Mathieu, plus soucieux de peaufiner de bonnes chansons que d'assurer sa promotion en faisant n'importe quoi, ne s'en soucie outre mesure. La chance déjà était passée sans que quiconque ne s'en émeuve. Bonne fille, la major qui employait notre homme se foulait raisonnablement pour lâcher dans les bacs, à l'automne 1998, J'en ai marre d'être deux, un second opus aux arrangements cuivrés plus savants qui ne faisaient pas le poids face aux nouveaux rugissements de Lara Fabian. Aussi, quelques mois plus tard, un album live publié à la sauvette permettait à Universal de se débarrasser d'un artiste jugé peu rentable.
La nouvelle chanson minimaliste française ayant de toute manière du plomb dans l'aile, on pensait alors que Boogaerts allait rejoindre Pierre Schott et Jean-François Coen au paradis des enchanteurs sacrifiés par les dures lois du marché. Et de fait, durant quelques années, on n'allait plus entendre parler de lui.
Mais en 2002, c'est avec plaisir qu'on renouait avec son phrasé délicatment chaloupé sur 2000, un nouvel album publié sur Tôt ou Tard, label de goût qui abrite quelques auteurs gonflés de la francophonie comme Thomas Fersen, Dick Annegarn, Vincent Delerm, Les Têtes Raides et bien d'autres... Enfin, épaulé par des gens ayant pris la peine de s'imprégner de sa poésie faussement naïve et touchante, Boogaerts entamait une seconde carrière avec un plaisir certain.
Cette année, Michel, un quatrième album long en bouche, est venu confirmer son aisance et sa maturité. Le chanteur, qui sait pertinemment désormais que sa réussite se fera sans forcément passer par la case "disque d'or", semble heureux d'avoir trouvé une famille et un public, certes plus modeste que celui de son ami M ou de Florent Pagny, qui l'amie pour ce qu'il est: un auteur de chansons humble incapable du moindre coup tordu.
Jean-Philippe Bernard